Monsieur le Procureur de la République,
Le 16 décembre prochain, trois militantes du mouvement FEMEN comparaîtront, à la suite de votre décision, devant le Tribunal de Lille pour répondre de l’accusation d’«exhibition sexuelle ».
Le 10 février 2015, elles avaient manifesté le torse recouvert de slogans contre la prostitution et les violences sexuelles faites aux femmes, devant le Palais de Justice de Lille, à l’occasion du procès dit « du Carlton ».
Au cours de ce procès, ceux qui ont reconnu avoir eu des pratiques sexuelles violentes à l’encontre de femmes prostituées, ont été relaxés. Et ce sont finalement les militantes venues dénoncer ces violences qui sont poursuivies sur le fondement inique d’une prétendue « agression sexuelle ». Les femmes seraient-elles encore et toujours coupables, et jamais victimes ?
C’est grâce à l’engagement résolu des mouvements des femmes au cours des dernières décennies que la notion d’agression sexuelle, en tant qu’atteinte à l’intégrité de la personne humaine, a été inscrite dans notre Droit, et que les violences contre les femmes sont aujourd’hui identifiées et poursuivies. Pourtant, la France est bien loin de les avoir éradiquées comme le montrent les dernières statistiques qui constatent une augmentation constante des viols et des violences faites aux femmes, ainsi que l’essor de l’exploitation sexuelle de leur corps par la prostitution. Nous sommes convaincues que de nouvelles avancées démocratiques sont nécessaires dans la loi et dans son application, pour lutter efficacement contre ces crimes qui brisent chaque année des milliers de vies.
Les trois FEMEN manifestaient dans ce but, et c’est un comble qu’elles doivent comparaître pour délit d’« exhibition sexuelle », encourant ainsi une condamnation qui ferait de ces militantes politiques – et le caractère politique de chacune de leurs manifestations est unanimement reconnu – des « délinquantes sexuelles », frappées d’interdictions professionnelles !
Une telle poursuite sous une telle qualification défigure et dégrade notre combat. Elle pervertit l’esprit de la loi en la retournant de manière inadmissible contre des jeunes femmes courageuses qui ne font que s’insurger contre une situation inacceptable.
En tant que membres de la société, dont vous êtes le représentant, nous protestons avec force contre les poursuites engagées à l’encontre des militantes FEMEN. Nous vous demandons de les abandonner purement et simplement afin de mettre un terme à une injustice notoire et à une dangereuse régression démocratique, et d’envoyer ainsi un message fort d’égalité et de justice sociale à l’ensemble de notre République.